Ce billet fait écho à un premier chapitre intitulé La démocratie n’est pas soluble dans les marchés où j’évoquais déjà les mauvais usages du terme « démocratie ». Loin de se réduire à un simple outil économique ou politique, la démocratie repose sur l’idée de peuple souverain. Or, si ce concept est noble et complexe, il est trop souvent mal compris, voire dénaturé, et le mot utilisé à tort et à travers perd son sens et sa portée.
Le sujet, malheureusement, n’est pas clos, et depuis février 2024, date de publication de ce premier billet, ma consternation s’est encore accrue. Il s’agit aujourd’hui de dénoncer un autre et tout aussi ridicule détournement langagier de l’idée même de la démocratie. Ainsi, lorsque je découvre dans plusieurs journaux des titres tels que « La masturbation féminine se démocratise » ou « La pénétration anale, une pratique qui se démocratise », je ne peux que m’indigner. Loin d’une simple maladresse, de telles formulations sont fausses et risibles et elles obscurcissent la réalité des faits.
Ces expressions, étrangement reprises par les médias, n’ont ni la rigueur ni l’élégance qu’exige la langue française. Si le but était d’évoquer la levée des tabous, il suffisait de le dire sans porter atteinte au sens des mots. En effet, les pratiques évoquées ne sont plus comme auparavant des sujets pouvant susciter honte ou gêne dans certains cercles, alors que parler de « démocratisation » relève de l’absurde. Pour moi, les choses sont claires : la vie privée, les habitudes intimes n’ont rien de démocratique et ne devraient en aucun cas être traitées comme telles. Pour le dire plus brutalement, il est exclu qu’elles passent par les urnes.
Je suis profondément attachée à la langue française, non seulement pour sa beauté, mais aussi pour sa capacité à exprimer des idées avec clarté et précision. La dérive actuelle qui consiste à prendre des concepts parfaitement déterminés et à les recycler dans un jargon déconnecté de leur réalité n’est pas admissible. Chaque mot a un sens, parfois plus, mais toujours définis, et il est de notre devoir, en tant que communicateurs, de ne pas le trahir.
Une vigilance constante s’impose pour préserver la finesse et la rigueur de notre langue, car le plus inquiétant dans cette affaire c’est que l’on n’est même pas sûr d’avoir atteint le fond. Où cela s’arrêtera-t-il ?
Michèle Thonney Viani
Février 2025